Il est fréquent que l’aide sociale considère qu’il y a une fausse déclaration lorsqu’un prestataire lui fournit un renseignement inexact ou lorsqu’il omet de lui soumettre un renseignement pertinent. Nous croyons cependant qu’il y a une différence entre une omission volontaire, faite dans le but de tromper, et une omission involontaire, faite de bonne foi et résultant d’une mécompréhension. Un courant jurisprudentiel récent se range d’ailleurs de notre côté.
En effet, les prestataires d’aide sociale n’ont souvent pas une compréhension en profondeur de la Loi ou accès à de l’information par rapport à celle-ci. En conséquence, il n’est pas rare qu’un prestataire se retrouve accusé de fausse déclaration, alors qu’il croyait sincèrement agir en conformité avec la Loi.
Or, la mention de fausse déclaration entraine plusieurs conséquences néfastes pour la dette qu’elle accompagne. Notamment, une dette avec une mention de fausse déclaration ne peut pas être effacée par une faillite. De plus, une telle dette porte des intérêts, contrairement aux autres dettes de l’aide sociale.
Il est donc important, lorsque vous jugez qu’une mention de fausse déclaration est mal fondée, de contester celle-ci auprès du Tribunal administratif du Québec (TAQ), qui a compétence pour déterminer si une réclamation a été faite avec ou sans fausse déclaration.
Toutefois, il est à noter que le Tribunal n’a pas compétence pour ordonner la réduction des intérêts ou la modification des intérêts courants sur une dette. En effet, il ne peut qu’annuler la mention de fausse déclaration, et donc, l’ensemble des frais qui en découlent.
Cas typiques de fausse déclaration
Dons répétitifs
Un jeune adulte se retrouve sur l’aide sociale suite à divers problèmes personnels. Or, il a de la difficulté à vivre avec une maigre prestation d’aide sociale de 590 $ par mois. Par conséquent, ses parents lui donnent de l’argent pour qu’il puisse joindre les deux bouts pendant quelques mois.
Or, pour le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS), il s’agit là d’une fausse déclaration, car les dons répétitifs sont comptabilisables aux fins du calcul des prestations d’aide sociale. Ainsi, l’aide sociale réclamera, avec la mention de fausse déclaration, l’ensemble de l’aide versée par les parents, affirmant que l’aide sociale est une aide de dernier recours.
Avoir liquide
Les parents d’un prestataire d’aide sociale assument la comptabilité de leur enfant en raison de la déficience intellectuelle de celui-ci. Ainsi, ils mettent de l’argent de côté dans le compte de banque de leur enfant en cas de difficultés futures.
Or, il y a une fausse déclaration pour le Ministère dès que les parents cumulent plus de 2 500 $ pour leur enfant dans son compte bancaire. En effet, la Loi et les règlements applicables ne permettent pas à un prestataire du Programme de solidarité sociale de posséder plus de 2 500 $ dans son compte en banque. Ainsi, tout surplus sera réclamé par l’aide sociale avec une mention de fausse déclaration.
Statut d’étudiant
Un prestataire d’aide sociale s’inscrit à l’école pour suivre quelques cours. L’aide sociale lui demande donc s’il poursuit ses études à temps plein, ce qui serait incompatible avec son statut de prestataire d’aide sociale. Le prestataire répond alors qu’il n’étudie pas à temps plein, en se fiant à la définition du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
Or, il ne réalise pas que la notion d’étudiant à temps plein diffère selon les différents ministères québécois. En effet, le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ainsi que le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) n’ont pas la même définition d’étudiant à temps plein.
Par conséquent, le prestataire se retrouve avec une réclamation pour fausse déclaration, puisqu’il n’était plus admissible à l’aide sociale en raison de son statut d’étudiant à temps plein selon les critères de l’aide sociale, et ce, bien qu’il ne remplisse pas les critères pour l’étude à temps plein selon les critères du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
REER
Un prestataire de l’aide sociale conserve des sommes en REER du temps où il bénéficiait de meilleures conditions financières. Or, il retire un jour celles-ci de son compte bancaire, et l’aide sociale lui réclame aussitôt ces montants avec une mention de fausse déclaration.
En effet, bien que les prestataires de l’aide sociale aient, en règle générale, le droit de conserver des fonds en REER, ces derniers n’étant pas comptabilisables par l’aide sociale, ces fonds deviennent immédiatement comptabilisables au moment où ils sont retirés. La nuance est effectivement quelque peu arbitraire.
Héritage
Un prestataire d’aide sociale est appelé à recevoir un héritage. Il décide toutefois de renoncer à celui-ci, puisque, n’ayant pas de contraintes sévères à l’emploi, il ne bénéficie pas de l’exclusion pour les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi.
Or, l’aide sociale lui réclame alors la valeur des sommes renoncées avec une mention de fausse déclaration.
En effet, un prestataire, dans ce scénario, devra nécessairement exercer les droits dont il dispose et ne pourrait pas renoncer à ceux-ci sans juste considération, puisque l’aide sociale est une aide de dernier recours.
Cas gagnés par Me Lambert
Dans cette cause, notre client a reçu une réclamation de l’aide sociale pour des revenus de travail non déclarés avec une mention de fausse déclaration.
Or, Me Lambert a réussi à faire annuler cette mention en convainquant le Tribunal que son client n’avait pas d’intention malicieuse ou trompeuse, et ce, bien que les montants déclarés à titre de revenus de travail étaient incorrects.
En faisant tomber la mention de fausse déclaration, notre client n’avait donc plus d’intérêts à payer sur sa dette. De plus, le remboursement de la dette pouvait se faire à 56 $ par mois, en plus de la moitié de sa solidarité sociale, plutôt qu’à 112 $ par mois. Finalement, en l’absence de fausse déclaration, notre client a eu droit à une exclusion pour ses revenus de travail gagnés.
Le Ministère a d’ailleurs essayé de faire appel de ce jugement, mais cette tentative a été rejetée par le Tribunal.
Ignorance de la Loi
Il est enfin à noter qu’il est fréquent que le prestataire mentionne qu’il a déclaré ses revenus à Revenu Québec, en pensant que cette information serait transmise à l’aide sociale. Or, ces deux organismes sont en fait issus de deux ministères différents.
Ainsi, la pensée du prestataire dans un tel contexte est assimilable à de l’ignorance de la Loi, qui ne constitue malheureusement pas un moyen de défense. De plus, ni l’aide sociale ni le Tribunal ne sont liés par les avis de cotisation fournis à Revenu Québec, puisque ceux-ci peuvent ne pas correspondre aux revenus réellement touchés par le prestataire.
Néanmoins, si vous avez reçu une décision de l’aide sociale avec une mention de fausse déclaration, n’hésitez pas à nous contacter pour la contester.